samedi 21 novembre 2009

De mettre en scène (3) - "Sur la route..." avec la Cie Les Colporteurs


Il fait noir. Un homme est assis aux pieds d’une installation de mâts inclinés et de fils de fer tendus dans les airs. Immobile. Dans la lumière crue qui l’éclaire, il relève ses genoux à l’aide de ses mains, positionne ses pieds minutieusement, roule, s’agenouille et lentement se redresse. Il se met debout. Comme on met debout son corps accidenté il y a 9 ans, paraplégique.




Dans un équilibre fragile il se met en marche. Lentement il fait le tour de l’installation. Funambule à terre, il suit l’ombre projetée au sol par les fils, au dessus.
Puis vient la fille. Aérienne. Elle s’élance sur les fils de fer, pieds nus sur le métal. Elle dans les airs, lui retenu à terre, comme si le poids de son être l’attirait irrémédiablement vers le sol. Elle chante sur son fil. A genou. Il la suit, en dessous.
Et la rencontre, l’étreinte, elle perchée sur son fil, lui dont les pieds s’arrachent du sol à la force des bras agrippés au même fil. Il la prend dans ses bras. Elle s’appuie sur lui pour avancer dans les airs, parfois sur le bras comme un fil de chair tendu entre deux fils de métal, parfois sur les mains, la tête, en équilibre. Et puis c’est à son tour de le relever depuis son fil, de le tirer, de le soutenir.
Elle descend jusqu’à lui, ils se cherchent, se bousculent, courent ensemble. Ils s’étreignent, ils dansent. Une valse. Un pas de côté. Ils virevoltent. Magnifique chorégraphie de tendresse et de fragilité.
Elle part. Lui reste seul au milieu. Il se souvient, essaie quelques pas sans appui. La gravité le colle au sol. Comme par défi il saute et crie. On est touché par ce cri qui pourrait venir de notre ventre. On se souvient qu’un jour nous avions tout juste la force de tenir debout. Avec ce désir pourtant de s’élever encore. Puis tombe à terre inanimé.
Elle viendra le prendre, lui redonner le souffle, par ses cris par sa force, elle le traînera, le remettra debout. Et finalement lui donnera les appuis pour atteindre le haut de l’installation, tout en haut. Laissant sur lui le sourire de celui qui a trouvé la force de se remettre sur la route.
L’enfant à côté de moi ne comprend pas pourquoi je lui dis que l'homme avait du mal à marcher avec ses jambes. Dans la pénombre des projecteurs cela n’avait pas d’importance. Plus que des jambes, lui et sa partenaire nous ont donné des ailes.
df.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

magnifique article , émouvant.
l'école du courage .....
merci
pm