mardi 26 janvier 2010

Des frères Chapman, "Fucking Hell" présentée à la Punta Della Dogana de Venise

La dernière exposition présentée par la Fondation François Pinault s'intitule "Mapping the Studio". Son vernissage a eu lieu le 06 juin dernier à l'occasion de la biennale et son propos (simple mais clair) est de présenter une sélection de l'extraordinaire collection du milliardaire français ; en quelque sorte une sélection de ce qu'est aujourd'hui l'art contemporain.
Il est peut-être bon de rappeler que François Pinault, en Medicis du XXIe siècle, est l'un des collectionneurs d'art contemporain parmi les plus importants du monde.
Parfois vivement critiqué pour ses choix d'artistes "à milliardaires" comme Jeff Koons, il jouit dans le même temps d'un immense aura dans le milieu. Pour preuve il a été désigné à 2 reprises (2006 & 2007) "Personnalité la plus importante du monde l'art" par le magazine Art Review, et il atteint en 2009 la 6ème du prestigieux baromètre.
Il est utile également de rappeler que si la fondation d'art contemporain de François Pinault est à Venise, il était d'abord question qu'elle s'installât à Boulogne-Billancourt. Il ne faut pas avoir de regrets car la confrontation des artistes contemporains avec le patrimoine culturel de la sérénissime est à la fois passionnant et pertinent.



Revenons à l'objet initial de cet article : "Fucking Hell", l'une des deux oeuvres de frères Chapman exposées dans la cadre de Mapping the Studio.
Il s'agit en quelque sorte d'une maquette composée de 9 parties. Pour se faire une idée de cette incroyable pièce il faut imaginer un super décor de train miniature. Tout y est minutieusement détaillé. Les personnages, la végétation, les batiments, trains, voitures, chars d'assauts qui composent ces 9 tableaux. Le travail étonne d'abord par ce qu'on imagine de la masse de travail qu'il a fallu investir pour réaliser ces scènes habitées de plus de 30 000 personnages tous différents. Lorsqu'on sait en plus qu'une première version de l'oeuvre a été détruite par un incendie et que les Chapman sont repartis de zéro on ne pourra qu'admirer l'énergie et la minutie du travail.

Pour le thème, il est d'une immense simplicité. Comme la vidéo le montre, le propos est simplissime. Une dénonciation de l'horreur nazie. Et pour dénoncer, les frères Chapman choisissent une méthode radicale. Les Nazis sont ici non seulement Bourreaux mais aussi victimes des exactions commises durant le 3 ème reich. J'ai été complétement happé par cette oeuvre qui fourmille de détails tous plus terrifiants et malsains les uns que les autres.


Je considère avec ce travail qu'on touche à ce que l'art contemporain a de meilleur. Lorsqu'il sait être radical dans son discours, intelligible dans son expression, efficace dans les émotions intellectuelles et esthétiques qu'il suscite, novateur dans son medium et qu'il impose le respect le respect face à la somme de travail qu'une oeuvre comme celle-ci a requis (les frères Chapman n'ont pas à rougir, je crois, de l'effort qu'un Tintoret pouvait consacré à la réalisation d'une de ces grandes toiles qu'on trouve dans les églises vénitiennes).


Nota : Je vous recommande de prendre le temps de regarder la video faite par les artiste eux-même pour présenter ce travail.

nm.

lundi 25 janvier 2010

De la réforme des retraites (2)


Toute la rédaction du Blog d’Isaac se mobilise sur ce dossier essentiel. Puisqu’il concerne la majorité des français et l’un des systèmes de solidarité inter générationnelle les plus important au monde : le régime de retraite par répartition français.

Quelques compléments d’informations suite à la publication du premier article :

1/ Est ce grave docteur ?

Oui d’une certaine manière puisque le système actuel ne peut pas tenir dans les décennies qui viennent sans changer quelque chose. Ce n’est pas pour autant la panique : rappelons que le système est resté équilibré jusque 2006 et que les déficits récents sont simplement dûs à la dégradation économique de ces dernières années avec un taux de chômage plus important et un nombre de départs en retraite anticipée plus important. De plus, les projections de population active (taux de natalité et immigration principalement) ont nettement été révisées à la hausse depuis le coup d’alarme de 2003 ce qui devrait conduire à des déficits 2 fois moins élevés que prévus en 2040. Enfin il faut croire que les progrès technologiques à venir et la productivité / croissance générées permettront de changer la donne d’ici 30 ans. Une illustration pour relativiser : pour maintenir le système actuel d’ici 2040 (niveau de pension pour même durée de cotisation), il faudrait par exemple augmenter les cotisations (salariales ou patronales) régulièrement de 0,37% par an, ce qui ne paraît pas insoutenable. Contrairement au discours entendu ça et là, il n’y a donc pas lieu de paniquer et l’enjeu vaut bien le temps de la réflexion, indépendamment de toute idéologie.

2/ Alors que faire ?

L’équation a pour variables : le niveau de cotisation des actifs, la durée de cotisation des actifs et le niveau de pension des retraités (taux de remplacement).

Pour ce qui est de la durée de cotisation des actifs, il faut bien prendre en compte l’évolution des carrières depuis 30 ans : alors qu’en 1970 l’âge moyen d’entrée sur le marché du travail est de 17,6 ans et celui de sortie de 64,6 ans, il est aujourd’hui de 22 ans et 59,1 ans. Ce qui fait évoluer la durée moyenne de cotisation de 47 ans à 37,1 ans. Reculer l’âge de départ en retraite s’inscrit donc à contre courant de cette évolution régulière depuis des années et le problème de l’emploi des seniors aujourd’hui le confirme. Notre société ne semble pas prête aujourd’hui à faire une place au travail des plus de 59 ans. Ce qui est donc en jeu lorsque l’on parle d’allongement de la durée de cotisation alors que le problème du travail des seniors n’est pas réglé, c’est le la baisse du niveau de pension des futurs retraités (et donc de leur pouvoir d’achat) qui, partant en retraite avant la durée fixée de cotisation, ne toucheront pas leur pension complète.
Enfin, la pénibilité des métiers est importante ici puisqu’il s’agit de vérifier la justesse des redistributions du système : en effet, lorsque la corrélation entre le niveau de salaire actif et l’espérance de vie est importante, il est démontré que le système de retraite est régressif, dans le sens où il redistribue les ressources des agents les plus pauvres vers les agents les plus riches. Ça fait réfléchir…

Pour ce qui est du niveau de cotisation des actifs, c’est difficile de demander aux salariés qui cotisent aujourd’hui de cotiser plus, sachant qu’ils seront de moins en moins nombreux dans les années qui viennent et que leur besoin de ressources est plus important que celui des seniors (acquisition du premier logement, financement des enfants, …). Le système actuel garantit en moyenne un niveau de vie équivalent entre actifs et retraités, on risque de renforcer un système déjà présent aujourd’hui : les grands parents retraités qui soutiennent financièrement leurs petits enfants actifs. Il reste à trouver d’autres sources de revenus. L’idée lancée par Isaac est intéressante : après tout le capital a bien à voir avec les hommes et les femmes qui génèrent la valeur ajoutée dans les entreprises et ce serait un juste retour des choses.

Pour ce qui est du niveau des pensions des retraités : le niveau actuel garantit en moyenne aux retraités un pouvoir d’achat équivalent aux actifs (le niveau de pension est inférieur aux salaires actifs mais les charges le sont aussi – charges familiales, logement…). Cela étant dit, la moyenne peut cacher la réalité vécue. Ci-dessous une représentation des niveaux de pensions en 2004.


On voit donc bien la disparité des pensions : 17% des pensions sont inférieures à 600€ par mois, 17% des pensions sont supérieures à 1800€… Si il faut ré-étudier le niveau des pensions distribuées, il est donc indispensable de travailler dans le détail, pour ne pas appauvrir un peu plus ceux qui vivent déjà avec très peu.

df.

Merci à Martin Vidberg pour ses illustrations toujours drôles et pertinentes. http://vidberg.blog.lemonde.fr/

mardi 19 janvier 2010

De la réforme des retraites


Le sujet de la réforme des retraites sera l'un des moments politique et social fort de l'année 2010.
Déjà UMP, PS et partenaires sociaux se positionnent en prenant soin d'être d'une immense prudence dans leurs déclarations. Néanmoins, on connait plus ou moins le clivage qui séparent les uns des autres, assez mince depuis une dizaine d'année.

Pour le patronnat et l'UMP la réforme se résoud par une équation simple.

On vit plus longtemps.

Pour des raisons démographiques et associées au chômage de moins en moins de gens cotisent.
Solution = augmenter le temps de cotisation (voire le taux de cotisation).

Pour le PS et la CFDT, il s'agit de ne pas nier le constat ci-dessus. Ni d'ailleurs d'être totalement opposés à un allongement du temps de cotisation. Mais de modérer la réforme en introduisant la notion de pénibilité.
Quant aux organisations plus radicales (type SUD), il faudra sans doute compter sur un rapport de force pour bloquer toute tentative de réforme comptable.

Soit.

Nous souhaitons revenir ici sur trois points.

Premièrement, il faudra nécessairement adresser la question du taux d'activité des plus de 55 ans qui en France ne cesse de baisser depuis 2002. Il est aujourd'hui autour de 60% (à vérifier très précisément). Allonger le temps de cotisation sera une décision totalement vaine.


Deuxièmement, la définition de la pénibilité risque de donner lieu à des débats dont on peut pressentir qu'ils seront inextriquables.
Qu'est-ce qu'un emploi pénible ?
Un emploi d'exécution sans effort intellectuel et sans perspective ?
Un emploi physiquement éprouvant, comme les métiers du batiment ou de l'agriculture peuvent l'être ?
Un emploi de manager où la pression incessante conduit à un état de stress ayant des conséquances sur la santé (et pas que mentale) ?
Difficile de répondre .... Pour simplifier cette question, on peut se la poser de manière inverse : qu'est -ce qu'un emploi qui ne serait pas pénible ? Cher lecteur, je vous laisse médite sur le sujet.

Troisièmement, il serait souhaitable de profiter de ce débat pour mettre sur la table la question de la définition de notre système de retraite, sans tabous. Nous venons de connaitre une crise dont les effets sont encore immenses qui est une crise née d'un double phénomène.
Le surendettement des ménages américains et l'incompétence de certains opérateurs financiers.
Le surendettement est peut-être la conséquence d'une crise de la répartition salaire-capitale.
Pourquoi ne pas envisager alors une taxation additionnelle du capitale pour financer le système de retraite et ainsi ré-équibrer le système.
Débat à mener en tout état de cause.
nm.

dimanche 17 janvier 2010

De la force des hommes et de leur douceur

C’est la compagnie Geraldine Armstrong / Rick Odums qui nous a fait découvrir ce week-end Rainbow ‘Round My Shoulders de Donald McKayle. Une chorégraphie puissante créée en 1959 sur le destin d’une chaîne de prisonniers condamnés aux travaux forcés et les rêves qui les habitent.

Le corps et l’esprit travaillent ensemble dans cette pièce d’une vingtaine de minutes où les corps douloureux des hommes laissent échapper la profondeur de leurs sentiments intimes.

La force masculine est partout présente ici : par le nombre (7 danseurs), les mouvements rapides et saccadés, les corps massifs agités par les rythmes des magnifiques folk songs collectées par Alan Lomax dans l’amérique noire des années 30 et 40, la lourdeur de leurs pas et des leurs mains sur le bois de la scène. Le geste produit magnifiquement le son qui éclaire le geste. On voit presque la masse qu’ils font voler au dessus de leurs têtes et qui vient s’écraser sur la pierre à leurs pieds. Cet arc en ciel est d’abord tracé par l’outil au dessus de leurs épaules.

Et puis lorsque les prisonnier se reposent enfin, comme de leurs regards surgit une femme-oiseau, unique, toute en grâce aérienne jusqu’aux ondulations des doigts. Les mains et les bras s’envolent, légers et libres, merveilleux désirs nés dans le cœur des hommes assommés de fatigue. Autant de couleurs pour un arc en ciel, les visions se suivent en contrepoint du travail qui reprend, de l’amante (drôle) à l’épouse (bouleversant de douceur) en passant par la mère (troublant de justesse). Pour nous emmener vers le drame final, brusque : les gardes abattent 2 prisonniers qui prennent la fuite.

L’universalisme du sujet nous touche : la condition humaine, l’homme exploité, oppressé, animé par la colère, la soif de liberté, mais aussi la douceur de l’amour. La communauté physique du balais illustre parfaitement la communauté de classe, où la beauté de l’individu se dévoile dans le mouvement collectif. La fraternité des hommes nous émeut lorsqu’ils portent leur frère assassiné. Dans le dernier souffle de celui qui meurt, son corps l’abandonnant, c’est la douceur personnifiée qui vient danser une dernière fois avant l’obscurité et le silence. La valeur de l’homme est portée haut dans le ciel au travers de ce Rainbow magnifique.

df.

On trouvera ici un extrait de la chorégraphie daté de 1959 avec McKayle lui-même si l’on en croit la source.

samedi 16 janvier 2010

De Pauline Horovitz, courte note

Pauline Horowitz est une jeune artiste française très, très brillante. Ancienne pensionnaire de la Casa de Velazquez à Madrid, elle réalise des court-métrages fulgurants d'humour et d'humanité.

Le blog d'Isaac vous recommande de ne pas manquer Cut Up, le magazine du Court présenté par Jackie Berroyer, mardi soir prochain sur ARTE à 23h40.

Au programme : "Tentative d'inventaire de tous les aliments remarquables ingurgités depuis ma naissance".
Irresistible !

Pour patienter, on retrouvera ici deux petits bijoux de Pauline Horovitz : "Polanski et mon père", et "Mes amoureux"

nm.

samedi 9 janvier 2010

Du second tour du débat sur le port de la Burqa


A plusieurs reprises, nous avons ici eu l'occasion de présenter notre position sur le débat concernant le port de la burqa.

Voilà que celui-ci refait surface avec la proposition faite par Jean-François Coppé de légiférer sur le sujet. Coppé, en maître tacticien, prend de vitesse avec cette proposition les conclusion de la commission parlementaire supposée travailler sur cette question.

Voilà que les partisans de l'interdiction nous reviennent avec de nouveaux arguments. Quels sont-ils et que montrent-ils de leurs intentions ?

Ces arguments nouveaux portent sur les conséquences en termes de sécurité publique que le port de la burqa pourrait engendrer. Petit florilège des exemples pris pour illustrer le propos :

"Vous vous rendez compte, comment voulez-vous procéder à un contrôle d'identité ?"
"Vous vous rendez compte, comment un passage de douane peut-il se passer dans ces conditions ?"
"Vous vous rendez compte, on a interdit les cagoules dans les manifestations, et si le petits voyous se déguisaient en burqa ?"
"Vous vous rendez compte, comment voulez-vous qu'une institutrice sache si à la fin de la journée elle rend son enfant à la bonne maman ?"

Inutile de vous dire que tout ceci est probablement une tentative de Coppé de devenir un membre du Jamel Comedy Club ; à part imaginer ces situations dans un numéro de stand-up, à part prouver au monde l'immense sens du burlesque du maire de Meaux (il y tient beaucoup), je ne sais pas trop quoi penser de cette sortie de Coppé. Ou plutôt si, je sais tout à fait quoi en penser !
On pourra répondre simplement et sans déchainer de passions à chacun des points précédents. Contrôle d'identité, douane, école ? Aucun problème, les femmes en question montreront leur visage dans toutes les circonstances qui le justifient.

Mais que nous disent ces nouveaux arguments sur ceux qui se veulent les champions de la laïcité, de l'ordre et de la condition féminine ?
D'abord, que ces messieurs (et dames) ont de la suite dans les idées : il s'agit à tout prix de débattre sur ce sujet, d'occuper l'espace médiatique, de profiter de cette formidable opportunité pour aller parader sur les plateaux de télévision, occuper les ondes radio et publier des articles de 'fond' dans la presse nationale. Mais cela prouve paradoxalement qu'ils (ces messieurs dames) n'accordent en réalité aucune valeur à leurs idées. En effet, le moins que l'on puisse dire c'est que les arguments sécuritaires et la défense de la dignité humaine de la femme cohabitent pour ma plus grande joie : Coppé dans un merveilleux grand écart, c'est très gracieux. Mais pas très convaincant pour tout vous dire.

Ce que cela montre en outre, c'est que l'audience visée par ces arguments est sans doute sociologiquement très favorable à l'interdiction de la burqa à l'instar des suisses qui ont interdit la construction des minarets. Nul doute possible qu'il s'agit là d'un frange de la population effrayée par l'Islam auprès de qui l'argument sécuritaire pourrait trouver un échos.

Cela renforce encore ma position sur le sujet. La laïcité doit garantir la liberté de culte. Elle ne doit pas venir interpréter ce qui est religieux ou ne l'est pas. Elle doit contribuer à la mise en place des structures éducatives des cultes qui sont aujourd'hui importants afin que chacun puisse exercer cette liberté de culte, en citoyen éclairé. Ou bien, il nous faudra redéfinir la laïcité comme une interdiction de culte ...

En outre, l'état n'a pas à décréter, sur des arguments très minces, ce qui est acceptable dans une vie en communauté. C'est parfois le cas dans cette affaire de voile. On nous dit "C'est inaccepatble de ne pas montrer son visage aux autres, c'est une insulte à notre projet de société".
Moi, par exemple, je trouve que le mouvement saccadé de l'aiguille des secondes des montres à quartz est insupportable, au même titre que peuvent l'être des chaussures bon marché, ou certaines tribus snob de St Germain des Prés. Bon, je ne me vois pourtant pas décréter leur interdiction ...
Et tant que j'y pense, les moines et soeurs qui vivent dans l'isolement de certaines congrégations, c'est insupportable ... Il nous faudra interdire ce type de comportement ...

nm.

jeudi 7 janvier 2010

De la poésie de Pierre Soletti

La première fois que j’ai rencontré J’aurais voulu t’écrire un poème de Pierre Soletti, j’avais le cœur seul. Et je me suis senti moins seul. C’était le dernier jour de l’année et la Halle Saint Pierre m’avait accueilli pour un instant, un café, juste le temps de découvrir la librairie éphémère installée dans ses murs.

pour mes palmes ridicules
qui me font ramer dur
parmi les gens

J’aurais voulu t’écrire un poème c’est une belle phrase me suis-je dit. Et ce long poème en est plein. Les mots semblent vous aimer et vous entraîne l’imagination, les yeux ouverts, au fil d’une trentaine de pages.

le long des murets d’ombre
parmi les nervures des feuilles
j’aurais voulu t’écrire un poème

Comme une porte que l’on ouvre, chaque page est une découverte. Par où ces mots m’emmènent-ils ? Parfois ils courent, puis ralentissent, reprennent leur souffle, bondissent, s’amusent, se cachent. Les illustrations de Valère Argué, toutes en ombres et lumières, leur répondent merveilleusement, tantôt reflet, tantôt forêt.

tout ce que tu veux
remonte moi dans l’ordre
l’autre côté du monde

Du désir plus que de l’écrire, de la poésie plus que du poème. La cinquième fois que j’ai lu J’aurais voulu t’écrire un poème j’ai commencé à voix basse et j’ai fini à voix haute. Ces mots sont faits pour s’envoler.

df.

« J’aurais voulu t’écrire un poème » de Pierre Soletti est publié aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune.

mardi 5 janvier 2010

De mettre en scène (4) - les robots zinzins des zozos musiciens

On descend un escalier, on franchit une porte et nous voilà plongés dans l’univers de &&&&& & &&&, conçu et réalisé par Halory Goerger et Antoine Defoort. « Spectacle de câble et d’épée » nous dit-on. On déambule au travers d’œuvres diverses sonores, lumineuses, vidéos, robotiques, avant de trouver un peu d’humain sur la scène, au fond, fondus dans le décor. Bien vite on réalise qu’ils sont plus robots qu’humains. L’un est assis et joue du clavier azerty « bien tempéré » tandis que l’autre parle robot allongé sur le dos. Sur l’écran une histoire de microsoft défile, des origines à nos jours… le ton est donné. Si il est question d’art, il sera câblé…

Les performances du duo s’enchaînent musicales (après le piano, la guitare azerty, la plante en plastique fender rhodes ou la harpe laser), théâtrales (scène de panique robotique ou combats d’épée laser), poétiques, drôles. Tout est mécanique, électrique, et l’on ne sait pas trop quoi faire de ses émotions devant les 2 hommes-robots qui font le spectacle. La séance de psychanalyse de l’unité de maintenance 27.876 est particulièrement réussie : son attirance pour l’humain, les gros plans sur les mains projetés comme dans un reportage télé, la relation avec la carte-mère et puis le poème « être un homme ». On rit devant tout ce monde déshumanisé. Et puis peu à peu un manque s’installe. Un vide d’humain de plus en plus présent. Révélé, en négatif de la performance, on est sensible au rire de sa voisine, au banc qui grince sous la pression des fesses de son voisin, aux respirations lorsque les notes des instruments raisonnent.

Tout s’achève et se répète après un reboot général, comme il se doit. On en profite pour s’attarder sur les installations : des scénarios de films de science fiction, des vidéos sur la théorie des trous noirs ou de gruyère, des communications spatio-temporelles, un sondage interactif qui questionne notre humanité ou notre cyber-compatibilité, des robots en cartons, une machine à commentaire à destination des artistes. Tout cela est ingénieux, plaisant pour les curieux, curieux pour notre plaisir.

On ressort de là amusé, décalés, un peu seul toutefois, comme d’un spectacle interactif à un sens. Notre chair n’avait pas de place sur la scène ou dans les œuvres. Pas de ping-pong ici. Seulement le son réconfortant des pings envoyés par les autres spectateurs. Vite la voisine est partie…

df.

dimanche 3 janvier 2010

Du premier tome des mémoires de Jacques Chirac


Les assidus lecteurs du blog d'Isaac savent que le président Chirac a toujours été hautement estimé dans ces colonnes. Nous n'avions pas attendu que celui-ci quitte l'Elysée pour saluer son parcours.

Et force est de constater que nous avions été précurseurs sur ce sujet puisque le temps passant, Jacques Chirac est devenu peut-être pour la première une figure réellement aimée des Français. Sans doute la cristallisation que provoque Sarkozy parmi ses opposant comme chez certains membres de sa famille a-t-elle contribué à cette découverte de l'ancien président. Toutefois nous ne croyons pas que Sarkozy soit à l'origine de ce phénomène. Juste un accélérateur.

Mais la question qui nous importe ici porte sur le premier tome des mémoires de l'illustre Corrézien.

Ne ménageons pas le suspens plus longtemps : cet ouvrage ne figurera pas au coté des Mémoires de De Gaulle ou de la guerre des Gaules de Jules César. La question qui peut se poser quand on repose le livre après l'avoir lu est "Quel est le but de son auteur ?".

Chirac nous raconte sans aucune prétention littéraire son parcours. Le récit est très fluide. Il permet une lecture facile. On ne se pose pas de question en avançant dans les chapitres. Sans doute parce que l'auteur lui-même ne s'en pose pas. Il n'y a quasiment aucun recul, aucune tentative d'intellectualiser sa vie politique ou alors, lorsque tentative il y a, celle-ci est très sommaire.

A-t-on besoin de ce livre pour comprendre que la très sincère passion de Chirac pour les cultures du monde entier (et pas seulement la classique culture européenne) est à rapprocher de son humanisme et de son souci de la planète ? Franchement non.

Et pourtant l'exercice des mémoires aurait du être l'occasion pour lui de mener un introspection qui aurait été sans doute passionnante !
Non. Décidément, on reste sur un mode presque exclusivement narratif.

Et par ailleurs, ne vous attendez pas dans ce tome à partager les réflexion de l'homme privé sur des thèmes tels que le couple, la foi, la fidélité, la difficulté de l'être, le sens de l'existence ou de l'histoire. Rien.
Et on ne trouvera pas davantage d'anecdotes sur sa vie de Don Juan, pourtant avérée. C'est tout de même gênant pour un exercice de Mémoire.

On aura néanmoins deux bonnes raisons de lire cet ouvrage. Passer du temps avec un homme éminement sympathique (parfois sincèrement naïf). Et s'amuser de la charge très énergique que Chirac réserve à Giscard.
nm.