mercredi 24 février 2010

D’être un homme sérieux et du petit lapin

Mon fils me demande souvent "est ce que c'est grave ?". Je lui répond non, oui, à ton avis ? Pas si simple. Ca dépend. Ou non ?

C'est une des questions que pose le magnifique "A Serious Man" de Joel et Ethan Coen. Œuvre profonde et spirituelle sur le questionnement humain. Comment être un homme juste ? Comment vivre une vie bonne ? Est-ce qu’une faute est grave ? Cela fait il de moi un homme mauvais ?

Mais aussi : est-ce que ce qui m'arrive est grave ? Dois-je seulement me plaindre ? A qui ? Devrais-je m’interroger sur les raisons ? Est-ce le hasard ? Ou une malédiction ?

Il y a un livre dans la bible qui porte le nom de Job. Job est un homme intègre et droit qui craint Dieu et se garde du mal. Un jour le malheur s’abat sur lui et il perd successivement tous ses troupeaux, ses serviteurs, et ses enfants. Il persévère cependant dans l’intégrité sans adresser à Dieu ses reproches. Alors Job est affligé d’un ulcère malin qui lui couvre tout le corps. Là encore il ne se plaint pas. Pourtant ses trois amis viennent le plaindre et le consoler, et libèrent finalement sa parole.

« Périsse le jour de ma naissance ». Alors que ses amis tentent de le réconforter, Job exprime sa douleur profonde. Puis sa colère et son indignation devant l’injustice dont il est victime : pourquoi cela lui arrive-t-il alors que les « méchants restent en vie » ? Il constate que Dieu est loin et que le mal triomphe en son absence. Enfin il s’interroge sur toutes les fautes qu’il aurait pu commettre mais qu’il n’a pas commise, de l’adultère au vol, de la négligence des plus faibles à la cupidité. Ses derniers mots appellent Dieu à lui répondre.

La tempête viendra et la réponse de Dieu avec elle.

Il y a un livre avec un petit lapin qui fait des bêtises et qui dit à son papa "c'est pas grave". Jusqu'au jour où il se fait mal en tombant de la gueule du loup : "c'est très grave" dit-il.
Le livre conclut : il y a des choses plus graves que d’autres.

df.

« C’est pas grave » est un très beau livre de Michel Van Zeveren.

mercredi 17 février 2010

De Patrick Balkany et François Fillon, l'affaire Marie-Luce Penchard


Ce qui fait débat, ce sont ces propos de la ministre de l'Outre-Mer :

"Il y a des enjeux considérables financiers, nous en sommes à une enveloppe de plus de 500 millions d'euros aujourd'hui pour l'outre-mer".

"Et ça me ferait mal, ajoutait-elle, de voir cette manne financière quitter la Guadeloupe au bénéfice de la Guyane, au bénéfice de la Réunion, au bénéfice de la Martinique, et de me dire, enfant de la Guadeloupe, je ne suis pas capable d'apporter quelque chose à mon pays, mais à quoi je sers ?"

"Et je n'ai envie de servir qu'une population, c'est la population guadeloupéenne".


Bien évidemment, pour un ministre de la république, ça fait désordre. Alors le PS a immédiatement réclamé la démission de la ministre. On est d'accord. La réaction du premier ministre lors de la séance de question à l'assemblée était donc très attendue. Bizzarement, il a soutenu sa ministre :

"Cette petite polémique est dérisoire. Extraire d'un discours une phrase pour tenter de jeter le discrédit sur la politique du gouvernement outre-mer, c'est contraire à l'esprit que je me fais de la démocratie. La vérité c'est que Mme Penchard est la ministre de tous les outre-mer et elle y est d'ailleurs accueillie comme telle à chaque fois qu'elle s'y rend.La vérité c'est que le PS ne se pardonne pas de ne pas avoir nommé un ultra-marin aux responsabilités de l'outre-mer. Nous nous l'avons fait et c'est notre fierté"

On est plutôt pas d'accord.


Et coté majorité, tout le monde ne semblait pas solidaire de la maladroite ministre, en confère le truculent Patrick Balkany :

"Je pense qu'on devrait la sanctionner. Je pense qu'elle devrait être virée du gouvernement. Je trouve que ces propos sont inadmissibles de la part d'un ministre de l'Outre-mer. Elle doit s'expliquer. On ne peut pas dire des choses pareilles, même dans un meeting en Guadeloupe. Quand on est ministre de l'Outre-mer, on s'occupe des Français de l'Outre-mer. On ne s'occupe pas uniquement de ceux de son département."

On est plutot d'accord.

nm.

mardi 16 février 2010

Du SAV des émissions, très courte note

Tiré de l'une des plus drôles émissions du PAF.

"Sarkozy se serait déclaré choqué par le salaire de certains footballeurs.
Qu'il essaie de mettre un but de la tête et après on en reparle !"
Irrésistible.

nm.

vendredi 12 février 2010

Des BB Brunes, courte note, très courte


Je ne connaissais pas. Sans doute pas la cible de ce groupe. Jusqu'à les voir en live au grand journal.

Je les connais maintenant. Il parait qu'ils ne veulent pas être vu comme des bébés rockers ... Bon. Prenons les pour ce qu'ils sont. Ridicules. Tenues ridicules, jeu de scène ridicule et musique très très ridicule.
Un rock qui doit se vouloir héritier de Lou Reed époque Velvet, des Kinks, de Nick Cave. Au final, c'est plutot du coté des musclés qu'il faut comprendre leur musique.
Coté look, allez, ils se voient sans doute comme des égéries historiques d'un mix d'Hedi Slimane et de Beatles. Raté. On vous renvoie davantage à des parodies ambiance Les Inconnus.
Idem pour le jeu de scène.

Ce qui est surprenant, et c'est peu de le dire, c'est le succès qu'ils doivent avoir pour passer dans une émission comme le grand journal.

Ca balance chez Isaac en ce moment.

nm.

jeudi 11 février 2010

Du débat Hollande-Bertrand lors de l'émission "A vous de Juger", courte note


C'était physique. Je trouvais que Bertrand avait une tronche pas très catholique. Après avoir assisté à cette émission, me voilà donc rassuré. J'ai de bonnes raisons de ne pas aimer Xavier Bertrand. Le type est totalement condescendant, pontifiant, et surtout totalemant étranger à toute forme d'humour et de second degré. Le regard ne reflète aucune malice, ambiance robot.
Face à lui, un François Hollande qui aurait tout à gagner à être aussi énergique que durant le dernier quart d'heure du débat. Il a été lui-même, maniant bons mots et dérision avec un juste dosage.
Sur le plan du débat d'idée, je regrette de n'avoir que peu de choses à dire. Un échange sans grand intérêt. On aurait plutôt tendance à suivre les idées de Hollande : décidément, c'est de plus en plus difficile pour moi d'être de droite dans ce pays ....

nm.

mercredi 10 février 2010

De marcher sur la tête, la publicité pour les magazines hot en pleine rue


Les voix qui s'élèvent pour plaider le respect des femmes sont légions ces temps-ci. S'agissant notamment du port de la burqa, ou des inégalités dans le monde du travail.
Parfois excessives, ces prises de positions n'en sont pas moins louables et animées d'intentions honnêtes et compréhensibles non ?

On discute aussi de la protection des enfants avec beaucoup de véhémence dès que l'actualité s'y prête. Dernièrement, le débat sur la projection d'un dessin animé traitant d'homosexualité auprès d'écoliers de classes primaires a défrayé la chronique. Le ministre de l'éducation lui-même prenant position dans ce débat et s'opposant à ces projections. Soit.

Et que dire des Architectes et Batiments de France. Gardiens de l'équilibre esthétique, du patrimoine de nos cités.

Bref, tout ça pour en venir à un truc qui m'épate depuis des années.

Hotvideo, Marc Dorcel Magazine, La vie Parisienne, Chobix. Vous avez vu les publicités pour ces éditions ? Impossible de les manquer car elles occupent à peu près un quart des espaces consacrés à la réclame sur les kiosques de presse dans Paris. Sérieusement, c'est complètement ahurissant. Du porno en pleine rue. Isaac est pourtant un sacré pornophile vous pouvez le croire, mais chaque chose à sa place les enfants ! Et visiblement, tout le monde s'en contrefout ... On marche sur la tête cher lecteur.

nm.

mardi 9 février 2010

Des centres de rétention de l'état français

Je me suis tenu un jour devant les grillages hauts d’un centre de rétention administrative. J’ai vu le drapeau français flotter dans l’enceinte de ce monde clos, séparé de moi par plusieurs rangées de barrières blanches barbelées, opaques, ne laissant traverser jusqu’à moi que la silhouette fantomatique de ses détenus.

J’ai entendu la voix de ces hommes crier au loin « liberté » et secouer les murs de leur prison comme pour porter plus loin le bruit de leur existence. Tout ici est en place pour la nier, en attendant un prochain vol qui les emmènera loin de notre pays.

J’ai vu les forces de police partout présentes dans ce lieux, et leur fourgon aux vitres fumées se garer en marche arrière dans un couloir discret du bâtiment pour charger / décharger des hommes à l’abri des regards extérieurs. Un homme que l’on a pris chez lui, dans la rue, devant une école, à la sortie de son travail et que l’on emmène dans ce lieu caché des regards, pour l’envoyer plus tard, vers un autre lieu caché de notre regard : son pays d’origine. On l’enverra lui, ses souffrances, ses espoirs, toutes les raisons de sa présence ici en France, hors de notre regard.

Ils n’ont pas volé, ils n’ont pas tué, ils ont travaillé pour gagner leur vie, ils ont construit des maisons, préparé des repas, nettoyé des bureaux. Ils ont étudié, mis leurs enfants à l’école, ils ont fait leurs courses dans des supermarchés. Ils ont aimé leurs enfants, ils ont embrassé leurs compagnes. Ils ont espéré trouver en France un pays d’accueil pour vivre, protéger leur famille, élever leurs enfants, leur donner une meilleure chance.

Pourquoi interdire les visites aux détenus des centres de rétention ? Pourquoi ériger 5 rangées de grillages entre l’extérieur et ces hommes retenus ? Pourquoi empêcher ces contacts humains ? Pourquoi les réduire à des ombres aperçues informes dans les grillages blancs ? La différence de cet homme avec moi justifie-t-elle de le cacher à mon regard ? Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, il n’y a pas d’étrangers sur cette terre. Il y a des hommes et des femmes, c’est tout.

Alain Badiou dans « Eloge de l’amour » parle de la différence et du refuge identitaire : « lorsque le contexte est dépressif et réactionnaire, ce qu’on tente de mettre à l’ordre du jour, c’est l’identité. Cela peut prendre différentes formes, mais c’est toujours l’identité. Et Sarkozy ne s’en est pas privé. Cible numéro un : les ouvriers de provenance étrangère. Instrument : des législations féroces et répressives. […].Hors quand c’est la logique de l’identité qui l’emporte, par définition, l’amour est menacé. On va mettre en cause son attrait pour la différence, sa dimension asociale, son côté sauvage, éventuellement violent. On va faire de la propagande pour un « amour » en toute sécurité, en parfaite cohérence avec les autres démarches sécuritaires. Donc défendre l’amour dans ce qu’il a de transgressif et d’hétérogène à la loi est bien une tâche du moment. Dans l’amour, minimalement, on fait confiance à la différence au lieu de la soupçonner. »

Ne nous y trompons pas, ce qui est en jeu ici est bien plus que le destin de ces 30 000 personnes que l’état français enferme chaque année. L’industrialisation de la rétention et la criminalisation des migrants est une blessure à notre humanité. Résistons. De toutes nos forces.

Certains ont crié « on ne vous oublie pas ! on ne vous oublie pas ! » et aux fenêtres du centre de rétention des bras sont sortis pour faire signe. Signe que des hommes et des femmes sont bien là, cachés à nos regards, et qu’il ne faut pas oublier.

df.

dimanche 7 février 2010

Du Sherlock Holmes de Guy Ritchie, courte note


Une nouvelle adaptation du célébrissime locataire du 221B Baker Street : une de trop ? Que nenni.

Voilà un divertissement diablement efficace qui gagne à être vu. Rythme, décors, ambiances londonniennes, interprétation des comédiens, scénario, musique, tout est ici à l'avenant pour passer deux heures excellentes. Ne vous attendez pas à être bluffé par la réalisation. Elle est ici dans l'air du temps, maniant ralenti, scènes de bagarre très viriles, humour, course poursuite. Rien de révolutionnaire mais tout est parfait. Et on se régalera d'une image de Sherloch Holmes bien loin de celle jusqu'ici retenue par les précédentes adaptations cinématographiques. Holmes est beaucoup plus bohème et déglingué que parfait gentleman victorien.
A voir.
nm.

mercredi 3 février 2010

De mettre en scène (5) - la nuit juste avant les forêts

Une de mes histoires préférées rapporte un dialogue entre deux étoiles de la musique contemporaine : Miles Davis et John Coltrane. Le premier se plaint de la longueur des improvisations de son saxophoniste de l’époque. Coltrane s’excuse "Je commence tout juste. Je ne peux pas m’arrêter". Miles répond : "Essaie d’enlever le bec du saxophone de ta bouche".

J’ai beaucoup d’affection pour John Coltrane. Sa musique va jusqu’au débordement. Elle exprime magnifiquement le profondeur de nos sentiments. Elle ne nous dit pas ce qu’ils sont, elle nous les fait entendre. En nous même.

Il en est ainsi de "la nuit juste avant les forêts", un texte de Bernard-Marie Koltès écrit en 1977. Une longue phrase qui s’étend sur 63 pages. En novembre dernier, Michel Didym me l’a dite si intensément que sa voix raisonne encore en moi à la lecture de ces mots.

C’est une nuit pluvieuse où un homme nous aborde dans la rue, à la recherche d’une chambre. Peu à peu le flot des mots nous envahit, nous transporte, nous retient. La mise en scène de Alain Françon donne de la matière à l’acteur seul sur scène. Le bois refuge suspendu par des cordes au dessus de l’eau qui attire, les pierres disposées ça et là dans l’eau pour rester au sec, en équilibre, le bloc de pierre qui se balance, lourd et frôle l’acteur, les pieds dans l’eau, qui monte le long du pantalon, le froid qui guette, le pied qui tape et éclabousse de colère, la pluie qui tombe.

Il est question de fraternité. Il est question d’une pute qui est morte d’avoir mangé la terre d’un cimetière. Tout le quartier s’en émeut. "Où aller ? Où aller ?". Où aller pour échapper à ces putes folles ? Où aller pour fuir la douleur des autres ? Où aller pour ne plus croiser rien qui nous dérange ? Il est question d’humanité.

Yves Ferry qui crée la pièce avec Koltès pour le festival d’Avignon témoigne "La Nuit, c’est comme un solo de Charlie Parker : à la fois très construit, très savant, et tenant de l’oiseau, du mystère de chanter dans la nuit. Un blues qui ouvre tout et qui garde ses secrets."

C’est aussi ce que j’aime dans la musique jazz. Une mélodie, une structure, et puis tout est ouvert pour l’improvisation d’un artiste, qui laisse apparaître dans la note inventée la beauté de son âme.

John Coltrane dans le texte : "It took that long to get it all out".

df.

et pour le plaisir...