mercredi 11 novembre 2009

De mettre en scène (2) – impromptu


« La chance… le pont… la colère… la montagne… ». C’est par la voix que le spectacle « impromptu » de Loïc Touzé nous invite à changer de point de vue. Sur scène 6 jeunes gens égrainent une longue liste de mots à tour de rôle, autant d’images évoquées, qui se succèdent trop vite pour s’imprimer dans nos imaginations. Au fond de l’air un morceau de musique. Romantisme allemand. Ils se tiennent debout tout au bord de la scène. Tout près. Trop près de nous. Leur présence est hypnotique. On ne se sent pas très à l’aise (et puis ces 2 projecteurs braqués sur le public nous éblouissent un peu).
Le morceau s’achève puis reprend de plus belle. Les jeunes gens reculent et reprennent le jeu des mots en changeant la prononciation, accentuant chaque syllabe, à outrance, comme une dictée de notre enfance. Effet comique, on sourit, on se décontracte (ces 2 projecteurs sont tout de même gênants, ils ont dû oublier de les éteindre).
Chacun disparaît au fond du grand couloir noir qui mène au fond de la scène dont on ne distingue presque rien. Un à un ils reviennent devant nous réaliser un solo de danse, yeux fermés, somnambules, gestes mécaniques. Tels des automates, désarticulés, le mouvement est brusque et impulsif, comme une ébauche de chorégraphie, pas encore bien taillée, arrêtes saillantes, volumes approximatifs. Opéra italien. Au fond du couloir la troupe s’anime dans une lumière tamisée, on croit voir des accessoires (décidément ces projecteurs sont gênants, on distingue quelques ombres tout au mieux).
Suite aux 6 solos, les danseurs reviennent le visage et les mains peints de blanc et réalisent chacun de nouveaux solos les yeux ouverts. L’effet est réussi, les yeux ouverts, le regard danse devant nous, fixe, intrigué, intrigant, et la chorégraphie s’incarne. Jazz vocal. On croit voir passer une ébauche d’un pas de Fred Astaire, une autre d’un entrechat. La danse s’invente devant nos yeux. On se croirait dans la tête d’un danseur. Ils vont et viennent le long du tunnel de plus en plus sombre (heureusement les projecteurs du public se sont éteints).
On distingue mieux le fond de la scène. Une tête de daim empaillée, un chapeau de cow-boy à paillettes, un manteau de fourrure, un truc à plume pour danse de revue… Ils finissent pas ne pas revenir. Les danseurs s’emparent des accessoires dans la seule lumière qui subsiste tout au fond. Magnifiques tableaux clairs obscurs. Comme avant de monter sur scène. Une autre scène. Là bas. Au delà. Nourris des mots et des représentations, des ébauches de gestes et de mouvements, les yeux fermés, les yeux ouverts. Le renversement est complet. Notre point de vue a changé (ah c’était fait exprès).
Nous avons vu la danse se créer de l’intérieur. Merci Loïc Touzé et ses danseurs.
df.
http://www.t-n-b.fr/fr/mettre-en-scene/fiche.php?id=238

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