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mercredi 3 février 2010

De mettre en scène (5) - la nuit juste avant les forêts

Une de mes histoires préférées rapporte un dialogue entre deux étoiles de la musique contemporaine : Miles Davis et John Coltrane. Le premier se plaint de la longueur des improvisations de son saxophoniste de l’époque. Coltrane s’excuse "Je commence tout juste. Je ne peux pas m’arrêter". Miles répond : "Essaie d’enlever le bec du saxophone de ta bouche".

J’ai beaucoup d’affection pour John Coltrane. Sa musique va jusqu’au débordement. Elle exprime magnifiquement le profondeur de nos sentiments. Elle ne nous dit pas ce qu’ils sont, elle nous les fait entendre. En nous même.

Il en est ainsi de "la nuit juste avant les forêts", un texte de Bernard-Marie Koltès écrit en 1977. Une longue phrase qui s’étend sur 63 pages. En novembre dernier, Michel Didym me l’a dite si intensément que sa voix raisonne encore en moi à la lecture de ces mots.

C’est une nuit pluvieuse où un homme nous aborde dans la rue, à la recherche d’une chambre. Peu à peu le flot des mots nous envahit, nous transporte, nous retient. La mise en scène de Alain Françon donne de la matière à l’acteur seul sur scène. Le bois refuge suspendu par des cordes au dessus de l’eau qui attire, les pierres disposées ça et là dans l’eau pour rester au sec, en équilibre, le bloc de pierre qui se balance, lourd et frôle l’acteur, les pieds dans l’eau, qui monte le long du pantalon, le froid qui guette, le pied qui tape et éclabousse de colère, la pluie qui tombe.

Il est question de fraternité. Il est question d’une pute qui est morte d’avoir mangé la terre d’un cimetière. Tout le quartier s’en émeut. "Où aller ? Où aller ?". Où aller pour échapper à ces putes folles ? Où aller pour fuir la douleur des autres ? Où aller pour ne plus croiser rien qui nous dérange ? Il est question d’humanité.

Yves Ferry qui crée la pièce avec Koltès pour le festival d’Avignon témoigne "La Nuit, c’est comme un solo de Charlie Parker : à la fois très construit, très savant, et tenant de l’oiseau, du mystère de chanter dans la nuit. Un blues qui ouvre tout et qui garde ses secrets."

C’est aussi ce que j’aime dans la musique jazz. Une mélodie, une structure, et puis tout est ouvert pour l’improvisation d’un artiste, qui laisse apparaître dans la note inventée la beauté de son âme.

John Coltrane dans le texte : "It took that long to get it all out".

df.

et pour le plaisir...

mardi 25 décembre 2007

Hommage à Oscar Peterson


Triste nouvelle en ce jour de Noël puisque j'ai appris ce matin la disparition d'un de mes musiciens préférés, le pianiste Oscar Peterson.

Je ne saurais que trop recommander l'écoute de ce merveilleux jazzman, au touché d'une grace incroyablement aérienne qui, paradoxalement, tranchait tant avec son physique massif et jovial.

Je me permets ici de vous indiquer deux références d'albums que je réécoute toujours avec délice et émotion :

Night Train, chez Verve, bouclé en 1962, avec des titres allant du swing (My heart belongs to Daddy) au blues (take te A train) en passant par des interprétations habitées par une veine gospel (Hymn to freedom)

& We get requests, chez Verve toujours, enregistré en 1964, qui est de tous les albums de Jazz que j'aime écouter peut-être le plus séduisant, le plus magique.

La grace (encore et encore) prend une dimension céleste dans ce disque. Un chef d'oeuvre d'une beauté simple. Peterson est si bon en étant si humble qu'on dépasse la simple musique, il s'agit ici d'un peu plus que cela.

Peterson ouvre des portes vers un monde d'humanité, de rêve, de bien-être.

C'est magnifique.


Joyeux Noel.