lundi 28 décembre 2009

De la proclamation de Pie XII "vénérable"


Le 19 décembre 2009, le très Saint Père Benoît XVI a proclamé Pie XII "vénérable", ce qui, est-il utile de le rappeler, a déclenché une immense émotion médiatique. La condamnation de cette décision du Vatican semble être quasi unanime.
Mais peut-être serait-il bon de repréciser de quoi il est ici question. Une personne est reconnue "vénérable" par l'église catholique romaine au nom de l'héroicité de ses vertus. Cette reconnaissance est étudiée par la congrégation pour les causes des saints et c'est le Saint Père qui par sa signature valide la proclamation de cette "qualité".
Dans le processus de canonisation, être reconnu vénérable succède au statut de "serviteur de Dieu" et précède la béatification ultime marche vers la dite canonisation.
"L'héroïcité des vertus » désigne les efforts réalisés par la personne en vue de devenir meilleure, d'accueillir la grâce de Dieu, de pratiquer la charité, de se conformer à l'évangile et d'être fidèle à l'Eglise. Il ne s'agit pas ici de se poser la question de l'intercession que la personne aurait pu tenir pour la réalisation d'un miracle.
Avec la béatification, il faudra alors reconnaitre un premier miracle. Puis deux autres supplémentaires devront être versés au procès de canonisation qui peut aboutir (ou pas) à la proclamation de la sainteté.

Il semble que la controverse qui s'est engagée porte davantage sur la perspective de voir Pie XII poursuivre le chemin vers la béatification et la canonisation plutôt que sur la seule annonce du Vatican, la proclamation de sa "vénérabilité". Soit. Emballement médiatique et de l'opinion ?
Et pourquoi cette polémique est-elle si intense ? Revenons en quelques mots sur le parcours de Pie XII. Avant d'être élu Pape, Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli fut nonce en Allemagne, et est reconnu comme le meilleur diplomate d'alors au sein du vatican. Ce qui pose problème à beaucoup de ses détracteurs c'est justement qu'ayant été nonce apostolique en Allemagne, Pie XII ne pouvait que connaître les funestes desseins du régime Nazi.
Certes. C'est en 1939 qu'il accède au trône de Pierre. Pontificat qui durera jusqu'à sa mort en 1958.
Et on constate que l'image de ce Pape qui régna pendant une des périodes les plus noires de notre histoire evoluera au fil du temps.
Golda Meir a déclaré à sa mort: "Quand le terrible martyre de notre peuple arriva, pendant la décennie de la terreur nazie, la voix du Pape s’ éleva pour les victimes […] Nous pleurons un grand serviteur de la paix ".
Puis vint le temps des controverses qui commença avec une pièce de théatre, "Le Vicaire" du dramaturge allemand Rolf Hochhuth qui fut jouée pour la première fois en 1963. De nombreuses légendes courent au sujet de la création de cette pièce. On a pu dire que celle-ci avait été télécommandée par les services secrets roumains eux-même pilotés par le KGB : leur but étant de détruire l'image de feu Pie XII. Bref, un imbroglio dont on ne saura sans doute jamais le fin mot.
Plus récemment, le film Amen (2002) de Costa-Gavras qui met en scène une relecture du Vicaire a fait revivre la face supposée sombre de Pie XII.

Mon sentiment est que Benoit XVI est trop intelligent pour avoir commis un faux pas du point de vue historique et du point de vue humaniste. Voilà un homme, un brillant philosophe, un éminent théologien (faut-il rappeler que le monsieur est Pape ?) que j'imagine mal commettre une erreur sur une question aussi délicate. Cependant, comme ce fut le cas il y a quelques temps , la communication vaticane et le timing sont perfectibles. Il est sans doute urgent pour le Vatican de rendre accessible les archives concernant Pie XII afin de dissiper un malaise qui aurait pu être anticipé, et donc contourné.

nm.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

cher isaac, très brillant exposé que cet article sur un sujet extrèmement délicat, et très controversé, voir déformé par nos contemporains.
laissons à Mme Goda Meir, représentant un peuple qui a payer un très très lourd tribu, conséquence de la folie des hommes, l'hommage ou peut être plus justement une forme de pardon, au "patron" de l'église romaine.
il serait intéressant, et tu ne manqueras pas de le faire ultérieurement, d'appronfondir les causes réelles de la montée de la peste noire.
de nombreux politiciens, financiers, industriels se sont révélés en être les vecteurs géniteurs.
il est certain également, que notre vision et analyse de cette époque, remontant à près de soixante dix années, est, forcément nuancée, par rapport au années cinquante.
merci, encore de cette intervention d'une grande justesse.
pm